LA RECAMPADO

Les 40 ans de la Recampado

Retour sur 40 ans d’existence d’une association au service des familles en crise : La Recampado
Contribution d’Etienne FRUCHARD – Directeur de la Recampado

Notre association est née officiellement le 1er juillet 1983… C’est l’histoire d’un franchissement

A l’origine, un groupe d’enquêtrices sociales en lien étroit avec AFCCC de Marseille et travaillant pour les JAM du TGI d’Aix-en-Provence, était préoccupées des effets du divorce sur les enfants lorsque ceux-ci devenaient l’objet du conflit de ces parents.

L’idée alors de travailler « en alliance » avec le monde judiciaire a éclot. Cela s’est fait contre l’avis « déontologique » de l’AFCCC Marseille. Mais l’« interdit » a été franchi et l’association était née. Elle a grandi à l’ombre du TGI. Ce positionnement à l’intersection du monde du travail social et du monde du judiciaire a donné toute sa pertinence aux actions qui ont pu être mises en place par la suite. L’article deux des statuts d’origine, écrits donc en 1983 était : Objet : Aider les familles en crise -crise due à la séparation- à élaborer leurs nouvelles conditions de vie ainsi que celles de leurs enfants, familles envoyées par les instances judiciaires, sociales ou venant de leur propre initiative. On voit ici que déjà sont posées les bases des différents services de l’association et l’idée préfiguratrice de la médiation familiale.

Les premières années ont été des années de réflexion avec l’organisation d’échanges et de débats faisant appel à des intervenants extérieurs :

– 1984, M. Soulayrol, professeur en pédopsychiatrie à l’université de Marseille, sur « l’enfant du divorce, le privilège de la tendresse ».

– 1985 : Françoise Dolto, psychanalyste ; « Divorce : et l’enfant ? »

– 1986 : Bernard Thys, psychanalyste « Une place pour le père »

– 1988 : Micheline Colin, psychothérapeute de couple ; « Impact juridique sur les processus psychiques des divorçants ».

– 1989 : Benoît Bastard, Irène Théry, sociologues et Gary Friedman, avocat, médiateur familial californien

Ce bouillonnement de réflexion, de débat, de confrontation a permis de conceptualiser un « objet inédit » qu’est l’Espace de rencontre. En 1986, le CAFC La Recampado ouvre avec Bordeaux les deux premiers ER de France, Il existe aujourd’hui plus de 320 lieux d’Espace de Rencontre en France. Avant d’entrer pour la première fois dans la loi en 2007 (Réforme de la protection de l’enfance) ces lieux ont eu plusieurs appellations : Point rencontre, lieu neutre pour l’exercice des droits de visite,…

Un agrément préfectoral verra le jour en 2013, officialisant l’existence de ce dispositif, soit vingt-sept ans après leurs premières créations. On peut constater ici une longue période avant que l’Etat ne se saisisse réellement de ce dispositif et commence à le financer de manière pérenne

Très vite plusieurs des personnes engagées dans l’association, se sont intéressées à un nouveau mode d’accompagnement de la crise familiale, venant d’outre atlantique : La médiation familiale. Grâce à la présence de monsieur Gary Friedman en année sabbatique sur l’université d’Aix, la réflexion avance vite et l’association est en mesure de proposer dès 1989 de la médiation familiale. Première dans la région Sud. Face à cela le temps administratif est plus long (Bien que plus rapide et plus structurant que pour les Espaces de Rencontre) En 2001, Ségolène Royal, ministre de la Famille, demande à Monique Sassier, haut fonctionnaire, de présider le Conseil national consultatif de la médiation familiale. Celui-ci se réunira jusqu’en 2003 et posera les bases d’un nouveau métier avec, en particulier la création du Diplôme d’Etat de médiateur familial.

Il s’est donc déroulé 14 ans entre les 1eres médiations familiales à la Recampado et la création officielle du métier. Il nous faudra attendre encore 3 ans, pour que des financements d’Etat pérennes adviennent avec la création de la prestation de service en 2006

En, 1991, nous sommes face, via les « pages jaunes », à des demandes diverses de familles en difficulté. Que ce soit sur le versant conjugal ou sur le versant parental les familles s’adressent à nous longuement et ont besoin d’être accueillies, écoutées et accompagnées. Nous ouvrons un troisième service qui se veut plus préventif de la crise familiale que l’on nommera Ecoute Familles. Celui-ci n’est pas désigné par la justice il ne fait pas particulièrement d’émules et aucune fédération ne soutient ce type d’initiative. Cependant il est à mettre en relation avec quelques politiques publiques dites de soutien à la parentalité et en particulier la création des REAAP en 1998 (Réseau d’Ecoute d’appui et d’accompagnent des parents) Ce service sert aussi de palliatif aux manquements des services publics et en particulier aux phénomènes d’embouteillage pour accéder aux CMP ou CMPP qui ont souvent entre six mois et un an d’attente

En 2004, prenant la suite du relais enfant parent de Marseille sur la maison d’arrêt de Luynes, nous avons ouvert notre quatrième service appelé REPI pour relation enfant-père incarcéré. Celui-ci est également présent sur le centre de détention de Salon-de-Provence. Ainsi, lorsque l’enfant ne peut pas rencontrer son parent par le biais du parloir famille, souvent parce que le conflit familial ne le permet pas, nous sommes sollicités. Une demande écrite du détenu légitime notre intervention que nous menons en partenariat avec les services du SPIP (Service pénitentiaire d’insertion et de probation)

C’est en 1986 et sous l’impulsion d’une éducatrice de jeunes enfants, Marie-France Blanco, qu’est né le premier « relais » français. Nous ne sommes pas spécialement précurseurs en la matière, cependant, nous innovons en nous positionnant un peu différemment des relais enfant parent classiques

Enfin, avant son ouverture en 2008, sous l’égide du département des Bouches du Rhône, en la personne de François JEANBLANC, nous réfléchissons et théorisons une nouvelle forme d’accompagnement des rencontres dans le domaine de la protection de l’enfance. Lorsque l’enfant est placé des rencontres sont souvent nécessaires pour faire évoluer favorablement les situations familiales. La loi du 14 mars 2016 le recommandera, mais son décret d’application nous apportant des informations concrètes sur la mise en place sera publié le 15 novembre 2017, soit neuf ans après notre mise en place sur le terrain

Il ressort de ces 40 années d’expérience, vingt pour ma part, que le législateur se nourrit des initiatives du terrain. Que ce sont les acteurs de terrain, confrontés à la réalité des difficultés, qui inventent les dispositifs de demain.

Cela nous donne une responsabilité. Cela nous oblige : Nous nous devons d’utiliser notre place d’observateur privilégié des difficultés familiales pour les analyser et d’inventer les nouveaux dispositifs de demain qui répondront au mieux aux attentes des familles.

Etienne Fruchard, Directeur de La Recampado.